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Non salle

Seb Bouin, revient sur l'enchaînement d'une voie extrême équipée...par lui-même il y a quelques années. Son récit montre toute la détermination et la motivation de notre Ambassadeur.


J'ai réalisé samedi dernier la première ascension d'un projet que j'ai équipé il y a un peu plus de 9 ans dans les Gorges du Verdon, à la Ramirole : "la côte d'usure" 9a+.

En tant qu'être vivant, je me demande parfois quelle sera la trace de notre, de mon passage sur cette terre (hormis la désastreuse pollution, et consommation des ressources dont elle dispose) ? On a tous quelque chose à laisser, une descendance, des recherches, des constructions, des créations, un patrimoine, des écrits, des réalisations, …

Pour ma part, si il y a quelque chose à laisser sur cette terre, je serai heureux de laisser une voie comme celle là.


Ce projet me tenait à cœur pour plusieurs raisons. 

Tout d'abord c'est une voie d'une ampleur exceptionnelle. Je pense que c'est la plus belle voie que j'ai pu réaliser et équiper dans ma carrière de grimpeur. Elle se situe en plein milieu des Gorges du Verdon, avec 150 mètres de gaz sous les chaussons quand tu grimpes. Le profil,les mouvements, les prises et les sections sont incroyables. Toute la voie est fun à grimper, la majorité des prises sont des pincettes (le rêve 😊). 


Cette voie me tenait aussi et surtout à cœur car c'est une première et longue histoire d'équipement de ma jeunesse.

A l'âge de 16, soit il y a 9 ans, je commençais à pouvoir grimper dans les dévers de la Ramirole. C'était vraiment une belle découverte. Et puis tous les jours je passais devant cette proue qui attirait de plus en plus mon regard. 

Une journée, et malgré mon manque d'expérience en équipement, je décidai de me lancer dans l'équipement, seul, du bas de cette proue. Mais je ne me doutais pas du temps que ça allait prendre… 



En effet, tout était très long, point par point dans l'énorme dévers. Je me suis mis quelques bonnes frayeurs. La plus grosse erreur que j'ai commise a été celle pour poser le relais. J'en avais ras le bol d'être pendu à ma corde statique. En voyant que ça se redressait un peu dans la conque du relais, je m'étais dis que je pouvais grimper avec le perfo et gagner du temps. Cependant, en arrivant à l'endroit où poser le relais je n'arrivais pas à lâcher une main pour prendre la perceuse et faire un trou. La redescente était plus compliqué que la monté, et j'étais à deux mètres au dessus du dernier point. La chute sur une statique n'était pas une option (car le facteur serait beaucoup trop violent pour le corps). J'ai péniblement sorti un crochet goutte d'eau pour m'alléger. Cela m'a permis de lâcher une main et percer. Mais une sacrée tension était présente par peur que le crochet ne se barre.

Avec le temps, je pense que le plus inconscient était d'être seul à la falaise. En cas de pépin, il n'y avait pas de réseau et personne pour m'aider. Mais ça je ne l'ai compris qu'après.

J'ai mis au total trois journées complètes pour arriver à pauser le relais. Le plus dur était de savoir si ça passait. J'avais des doutes à plusieurs endroits, et notamment au niveau de ce premier move dans le trou. Bref, les points étaient là, il ne manquait plus qu'à nettoyer, défricher, et accessoirement grimper.

Je n'ai pas commencé à grimper tout de suite dans cette voie. La mission me semblait trop grosse à l'époque. J'y suis allé un peu les années suivantes en défrichant d'abord le bas. Ce fameux mouvement du dynamique dans le trou me gênait. 

Et puis je m'y suis remis sérieusement cette année en pensant que ça ferait un bon complément pour m'entrainer.

Toute la deuxième partie était à nettoyer et défricher. Ce processus était donc long, mais finalement satisfaisant lorsque j'ai réellement pu grimper dedans.

Je crois que réaliser une voie, avec tout ce process derrière, est quelque chose qui me plait. Au départ il y avait un bout de caillou vierge, maintenant il y a une pure voie en libre qui passe."

 


A très bientôt,

Crédit photo : Tilby Vattard