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Faites connaissance avec Emma Grimal, nouvelle monitrice escalade de l'Alti'Académie de la salle Altissimo Marseille




1) Comment as-tu découvert l’escalade ?

Je dirais que ça s’est fait en deux temps : d’une part, la découverte de la montagne et de la crapahute alors que j’étais enfant, d’autre part la plongée dans l’escalade sportive à proprement parler, qui est survenue beaucoup plus tard.

Concernant le premier point, j’ai grandi en Égypte : j’y ai vécu les neuf premières années de ma vie. Mes parents nous emmenaient souvent en week-end ou en vacances, mon petit frère et moi, dans le Sinaï. On n’y faisait pas vraiment de l’escalade, mais ils nous ont embarqués très tôt dans des randonnées un peu aériennes. En fait, ce qui est fou, c’est que le souvenir le plus marquant que j’en ai… c’est le caillou. Un granite à incrustations volcaniques, très compact. On grimpait beaucoup sur de gros blocs faciles avec mon frère, c’était vraiment un terrain de jeux incroyable.


Beaucoup plus tard – à 20 ans – deux amis m’ont initiée à l’escalade sportive en salle. Ce qui est drôle, c’est que j’avais extrêmement peur du vide, mais qu’en même temps je ne pouvais plus m’arrêter de grimper. En fait, avec du recul, je pense que j’avais renoué sans le savoir avec ce plaisir incroyable que j’éprouvais dans la montagne égyptienne, des années plus tôt. Donc j’allais en haut des voies, en étant à la fois terrorisée et contente.

La suite a été assez évidente : à partir du moment où j’avais commencé, je n’ai plus pu m’arrêter. J’ai tout de suite grimpé quatre à six fois par semaine, en ayant la chance de ne pas me blesser. J’ai progressé très vite.

Comme j’avais déjà encadré dans d’autres disciplines sportives et artistiques, je savais que j’avais le goût de l’enseignement. Donc, une fois mon niveau suffisant pour passer un diplôme, la suite a été évidente. J’ai été prise par le CT95, dans le Val d’Oise, pour travailler en tant que monitrice dans leurs clubs en même temps que je me faisais former à Fontainebleau, à Karma. C’est la salle où le Pôle France s’entraîne, et les profs qu’on a eus étaient géniaux. J’ai énormément appris là-bas, j’en suis ressortie consolidée dans mon escalade grâce aux blocs de la forêt et dans ma pédagogie grâce à la formation.

Puis j’ai déménagé à Marseille et commencé à travailler à Altissimo.  


2) Quelle place occupe actuellement l’escalade dans ta vie ?

C’est évidemment un travail et une passion. Il y a l’escalade en salle, bien sûr, qui est pour moi vecteur d’entraînement et d’enseignement, mais aussi et surtout la falaise, l’extérieur.

J’ai la chance d’habiter Marseille et d’être proche des calanques : inutile de dire que je sors souvent en couenne. Mais j’aime bien aussi m’amuser, les jours où je n’ai pas de binôme, à explorer les massifs du coin en recherchant le petit bout de bloc caché entre deux broussailles, la traversée psicobloc paumée au fond d’une calanque… Je cours beaucoup en trail, et pars rarement sans glisser des chaussons et de la magnésie dans mon sac !



3) Qu’est-ce qui t’intéresse le plus dans le fait d’encadrer ?

Je dirais, l’aspect créatif.

Ça me plaît beaucoup d’imaginer comment rendre attrayant différents apprentissages techniques. Selon les tranches d’âge et le niveau, trouver comment bricoler du ludique sur des exercices qui pourraient sinon être rébarbatifs ou contre-intuitifs. J’ai une « boîte à jeux », sous forme d’un carnet, qui se remplit année après année… Pour les adultes et les ados en perfectionnement, j’aime bien aussi revisiter les trainings, insuffler un peu de dynamisme et de challenge dans les aspects les plus ingrats de l’entraînement. De toute façon, je pense qu’il n’y a pas vraiment de secret : des élèves qui s’amusent auront envie de revenir, en revenant ils grimperont plus, et en grimpant plus ils deviendront meilleurs. Le plaisir est à mes yeux la chose la plus importante, dans cette activité. Elle n’écrase en rien les autres, comme la sécurité ou la performance, mais elle est leur moteur.



4) Un site de grimpe où tu rêves d’aller ?

El Cap !… C’est sans doute pas très original, mais le parc du Yosemite aux États-Unis me fait vraiment rêver. Je pense que j’irai quand j’aurai encore pris un peu de niveau en grande voie, histoire de profiter des big walls mythiques.

Sinon, et je ne fais pas non plus vraiment dans l’originalité, il y a le site de bloc dont parle Romain Desgranges dans sa BD So High. C’est Joshua Tree, aussi aux USA. Les high balls qu’il y décrit ont l’air incroyable, et j’ai vraiment envie de voir de mes yeux ce site perdu au milieu du désert… Pareil, ce sera sans doute pour dans quelques années, histoire d’être confortable en niveau. C’est ça d’être attirée par des sites exigeants !



5) Quel est ton souvenir le plus marquant et heureux lié à l’escalade ?

Oh, il y en a beaucoup… Mais si je devais en choisir un, ce serait il y a deux ans, pendant l’éclipse rouge de la pleine lune, l’été. J’étais en Corse à ce moment-là, et on est allé avec deux amis faire la grande voie « Symphonie d’Automne » pendant la nuit, au moment où la lune était de sang. C’est un itinéraire de 180m au-dessus du lac du Capitellu dans la Restonica, près de Corte. On ne voyait rien pendant l’ascension, on était à la frontale, et la lune rouge était à peu près tout ce qui était visible. Et puis quand on a été en haut elle s’est découverte, et d’un seul coup on était éclairé comme en plein jour grâce à la réflexion sur le lac. On a fait les rappels sans lampe, pour redescendre. Il était trois heures du matin, et ce n’était pas fini : avec un de mes deux binômes, on a pris la voiture pour se rendre à Porto, dormir trois heures à l’arrache et aller directement équiper « Tes yeux noirs », une grande voie de 300m dans laquelle on a passé le week-end à mettre des spits. Ces trois jours, c’était plein de premières fois : première fois à grimper de nuit, à ouvrir en extérieur, à mettre les pieds à Porto, que je considère comme un paradis sur Terre…

Sinon, en un peu moins fort mais important quand même, j’ai eu une phase il y a un an où j’habitais encore en Île-de-France, et où je passais tous mes week-ends entre les gorges d’Apremont de Fontainebleau, la Hottée du Diable et le tout petit site de Saint-Vaast-lès-Mello, tout près de mon ancien chez moi. Ce dernier avait un accès aux voies par le haut, se trouvant dans une ancienne carrière : j’y allais accompagnée mais aussi seule, parfois, en posant mes cordes et faisant du solo au bloqueur dans mes projets.

J’en parle parce que j’ai atteint pendant ces séances – surtout celles où j’étais seule – une sérénité que j’ai rarement retrouvé par la suite. Ce site-là était un peu ma deuxième maison, et j’y retourne régulièrement quand je reviens voir ma famille, sur Paris. En plus, c’est toujours pour moi l’occasion de voir d’anciens élèves à qui j’avais parlé de l’endroit !


6) As-tu d’autres passions ?

Disons qu’il y a beaucoup d’autres choses qui m’intéressent, mais que mon autre principale passion est la littérature. J’ai suivi des études artistiques avant de bifurquer sur l’escalade, j’étais en école de théâtre. Le diplôme que j’y ai eu est un équivalent de L2. J’avais aussi fait un semestre à la fac en lettres modernes appliquées, mais j’ai vraiment du mal avec certains aspects d’une ambiance scolaire, et j’avais arrêté de venir à la deuxième moitié de l’année… Néanmoins, je continue à faire des analyses de textes pour le plaisir, de temps en temps. J’ai gardé de bons contacts avec mon ancienne prof de français du lycée et on discute parfois de ses cours, comment faire aimer Apollinaire ou Rimbaud à ses jeunes, comment rendre l’humanisme stylé… j’ai un pied dans l’écriture, ayant publié un roman il y a deux ans et gérant deux sites internet. Je profite généralement de mes vacances pour avancer sur mes divers projets.